20 ans de… fauteuils de cinéma

Julien Marcel © Philippe Sauvaget

À l’occasion du 500e numéro – et des 20 ans d’existence – de Boxoffice Pro (ex-Côté Cinéma), la rédaction propose de replonger dans les mutations de l’exploitation cinématographique de ces vingt dernières années, à travers la plume et la parole d’acteurs ou d’observateurs de la filière. Aujourd’hui, Julien Marcel*, président de KLS, revient sur l’évolution du fauteuil de cinéma. 

Dossier à retrouver en intégralité dans le Boxoffice Pro du 22 septembre 2025

Un pilier esthétique et économique de l’expérience en salle

Le fauteuil de cinéma est l’un des objets les plus emblématiques de l’expérience collective en salle. Il façonne immédiatement la perception du spectateur, avant même que le film ne commence. C’est une composante esthétique autant qu’un levier économique qui structure la manière dont les salles se définissent et se différencient.

Pourquoi les fauteuils sont souvent rouges

Depuis bien longtemps, sur le site AlloCiné, l’article qui traite de la couleur rouge des fauteuils de cinéma figure parmi les plus consultés. Le fait qu’un tel sujet suscite autant d’intérêt montre à quel point le fauteuil captive l’attention des spectateurs. L’article rappelle que le rouge est un héritage théâtral associé au luxe et aux rideaux de scène, mais aussi un choix pratique car il masque mieux les traces et les usures. Dans les faits, les fauteuils ne sont plus majoritairement rouges depuis longtemps, mais l’image d’Épinal demeure et continue d’accompagner les souvenirs des spectateurs.

Le fauteuil, une identité

Pour de nombreux cinémas, le fauteuil est une signature. Le Love Seat de MK2, conçu au début des années 2000 par le designer Martin Szekely, est devenu un objet iconique exposé dans des musées et constitutif de l’identité de l’enseigne. Les “boutique cinémas” londoniens privilégient des sofas accueillants qui rappellent un salon. Les salles UGC jouent toujours la carte du fauteuil sobre et élégant, avec leurs dossiers bois qui incarnent un style classique et intemporel. Chaque fauteuil raconte une histoire différente et traduit un positionnement clair.

La premiumisation et son impact économique

La décennie écoulée a vu s’imposer le phénomène de la premiumisation avec les fauteuils inclinables électriques comme emblème. Aux États-Unis, les grands réseaux ont investi massivement dès le début des années 2010. AMC a engagé plusieurs centaines de millions de dollars dans la transformation de centaines de salles. Cinemark a documenté l’impact économique positif, avec une hausse de fréquentation parfois supérieure à 30 % dans les complexes réaménagés et un allongement de la durée moyenne de présence des spectateurs qui consomment plus de boissons et de nourriture. Marcus Theatres a mis en avant des taux de satisfaction client qui dépassent les 90 % dans les salles équipées en recliners. Ces chiffres montrent que le fauteuil n’est pas seulement un accessoire de confort, mais une véritable variable de modèle économique.

Le dilemme est désormais bien connu. Faut-il privilégier plus de places avec un confort plus traditionnel ou moins de sièges, mais dotés d’un confort supérieur permettant de justifier un positionnement premium ? C’est une décision structurante qui engage des choix de long terme dans la gestion des salles et qui se mesure en millions d’euros d’investissement et de recettes potentielles.

Les tous nouveaux fauteuils rouges par KLS du Select de Saint-Jean-de-Luz © Julien Marcel

L’accélérateur Covid

La pandémie a renforcé cette logique. Les exploitants ont compris que la différenciation avec la maison ne pouvait plus seulement reposer sur l’image et le son, mais devait aussi inclure le confort d’assise. Aux États-Unis, une partie des plans de relance des circuits a consisté à accélérer la modernisation des fauteuils pour donner au public une raison tangible de revenir. En Europe, la même réflexion a conduit plusieurs circuits à miser sur l’expérience utilisateur globale en multipliant les projets premium. Les salles ont ainsi multiplié les expériences enrichies par les fauteuils recliners chauffants ou connectés et par des espaces associés à une promesse globale de confort.

En France, quelques indépendants comme Monciné Anglet ont fait figure de pionniers en basculant, dès 2022, vers une offre full premium. Toutes les salles y sont désormais équipées de fauteuils inclinables électriques, avec un espacement généreux entre les rangs. L’initiative a été saluée par la CST qui a décerné son Label Excellence au complexe basque. D’autres exploitants ont suivi la même logique. À Sallanches, la famille Baud a rénové son Ciné Mont Blanc avec des salles premium où l’assise devient un élément clé de l’expérience. À Dole, Jean-Claude Tupin a modernisé ses salles autour du confort et de l’accueil, avec une attention particulière au fauteuil. Ces initiatives montrent que la vague premium touche désormais aussi les indépendants et pas seulement les grands circuits.

Deux continents, deux rythmes

Le cycle est décalé entre Amérique du Nord et Europe. Outre Atlantique, les grands circuits ont connu un pic d’équipement dans les années 2010 et s’engagent déjà dans un nouveau cycle d’investissement. Cinema United, l’association des cinémas américains, a communiqué l’an dernier sur plusieurs milliards de dollars d’investissements programmés. Les fauteuils sont au cœur de ces budgets, car ils conditionnent directement le positionnement tarifaire et la fréquentation. En France, le mouvement est plus récent. Pathé a ouvert la voie avec des salles Dolby Cinema et Imax, ainsi qu’une grande richesse de projets premium qui ont attiré l’attention, en particulier l’emblématique Pathé Palace. CGR Cinémas n’est pas en reste avec ses salles Ice Theaters qui mettent également l’accent sur une assise distinctive. Mais le marché hexagonal se caractérise par une variété d’approches, qui traduit cette passion bien française pour la singularité. On peut, bien sûr, citer le Cinewest Ōma de Mougins, mais également la réouverture ces jours-ci du Lincoln sur les Champs Élysées [voir p.69] qui illustre une toute nouvelle tendance qualifiable de “boutique haut de gamme”. Le partenariat de KLS avec VIP Luxury Seating, le leader américain qui a déjà installé plus d’un million de fauteuils recliners, souligne à quel point l’expérience internationale nourrit l’innovation française et européenne.

KLS se situe à la croisée de ces évolutions. Héritière de décennies de savoir-faire et tournée vers l’avenir, l’entreprise continuera à innover aux côtés des exploitants. Une certitude demeure : le fauteuil restera un élément déterminant et distinctif de l’expérience cinéma.

*Julien Marcel est également président de Cine Group, maison-mère de Boxoffice Pro.

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Julien Marcel © Philippe Sauvaget

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