À l’occasion du 500e numéro – et des 20 ans d’existence – de Boxoffice Pro (ex-Côté Cinéma), la rédaction propose de replonger dans les évolutions et mutations de l’exploitation cinématographique de ces vingt dernières années, à travers la plume et la parole d’acteurs ou d’observateurs de la filière. Michel Bestougeff, directeur général adjoint marketing Mediavision, évoque la publicité au cinéma.
Dossier à retrouver en intégralité dans le Boxoffice Pro du 22 septembre 2025
« Un média en constante réinvention »
Michel Bestougeff, directeur général adjoint marketing Mediavision
En vingt ans, la publicité en salle a connu une transformation profonde. De la pellicule à l’ère numérique, d’un marché fragmenté à une offre structurée, de l’âge d’or pré-Covid à la renaissance post-crise, les régies ont dû sans cesse réinventer leur rôle.
D’un média parfois perçu comme traditionnel, le cinéma s’est imposé comme l’un des espaces les plus premium pour les annonceurs, capable de combiner puissance, attention et innovation technologique. Retour sur deux décennies de bouleversements et d’innovations.
Du 35 mm au digital : une mutation soutenue par les régies
La bascule du cinéma publicitaire vers le numérique a marqué un tournant majeur. Mais au-delà de la technologie, c’est tout un écosystème qui s’est mobilisé. Les régies publicitaires ont activement participé à cette mutation via les VPF, contribuant au financement du passage au digital. Ce soutien a permis d’accélérer la transition et d’ouvrir la voie à une diffusion plus souple, plus qualitative et mieux adaptée aux besoins des annonceurs.
Redistribuer les cartes : la recomposition du marché en 2013
Autre fait marquant : la disparition de Screenvision France en 2013, qui a mis fin à un duopole historique. Canal+ Régie a pris alors en exclusivité la gestion des salles UGC et, plus tard, du Grand Rex, tandis que Mediavision récupérait un parc conséquent, renforçant son rôle d’acteur central. L’arrivée d’une régie issue de l’univers télé a aussi introduit de nouvelles méthodes et redessiné les équilibres. Cette recomposition a profondément transformé le paysage publicitaire en salle.
Le choc du Covid : de l’arrêt total à la relance
2019 avait marqué une année record pour la fréquentation… et la publicité au cinéma. Quelques mois plus tard, la crise sanitaire a provoqué un arrêt total de l’activité : « pas de cinéma, pas de chocolat ». Ce choc brutal a obligé les régies à se réinventer.
La réouverture a été synonyme de renaissance : il a fallu reconquérir les annonceurs, regagner la confiance et redonner de la valeur à un média mis en pause pendant de longs mois. Ce redémarrage a aussi permis d’innover : nouveaux formats, diversification des annonceurs et ciblages plus affinés. Les campagnes se sont adaptées aux publics : blockbusters familiaux, films porteurs auprès des jeunes adultes ou encore visant les CSP+. Ce mouvement a consolidé le cinéma comme un média d’attention sélectif, capable de toucher des communautés précises dans un contexte valorisant. En particulier pour le secteur captif des éditeurs de films, les campagnes se sont affinées – ciblage plus précis, contacts garantis –, afin de mettre toujours davantage en valeur la bande-annonce, qui demeure le facteur le plus incitatif dans la décision d’aller voir un film en salle.
Diversification et nouveaux territoires
Dans un univers où la concurrence des médias premium, de la télévision et des plateformes de streaming s’intensifie, les régies cinéma ont dû élargir leurs terrains d’expression. Cela passe par :
- la création de contenus sur mesure ;
- des initiatives de consolidation de l’offre, avec des couplages possibles entre cinéma, télévision et plateformes ;
- l’investigation de nouveaux terrains de jeu, avec notamment l’acquisition de Busterwood par Mediavision en 2018, qui a permis de développer des créations originales pensées pour les réseaux sociaux, contribuant à renforcer la notoriété des films et à encourager leur consommation en salles ;
- ou, plus récemment, la production de contenus à destination de la salle afin d’attirer toujours plus de publics différents.
Ces pistes de diversification traduisent la volonté du cinéma publicitaire de s’adapter à un marché fragmenté et en mutation rapide.
La montée en puissance de la mesure et de la preuve
Si le cinéma a toujours bénéficié d’une image qualitative, il devait encore démontrer son efficacité. En vingt ans, les outils de mesure se sont considérablement perfectionnés. On est passé d’indicateurs essentiellement quantitatifs – comme la couverture estimée ou le GRP, peu valorisant pour le cinéma – et d’indicateurs plus anciens et vieillissants – comme le bêta de Morgenstern* datant de la fin des années 1980 –, à des études centrées sur l’attention et la mémorisation.
À partir de 2016, l’arrivée d’un nouvel acteur spécialisé a permis de compléter l’offre historique et d’approfondir considérablement la connaissance du média. De nouveaux outils ont vu le jour : profils hebdomadaires détaillés des spectateurs permettant de mieux comprendre le profil du public cinéma, des salles et des films, estimation affinée du potentiel d’entrées, ainsi que des solutions de médiaplanning adaptées aux spécificités du cinéma.
Les benchmarks montrent aujourd’hui que le cinéma génère des niveaux d’attention supérieurs à la télévision ou au digital, renforcés par l’absence de distraction dans la salle. Des études ROI et brand lift ont confirmé l’impact du média sur la notoriété et les intentions d’achat. Cette “preuve par la donnée” a conforté la place du cinéma dans le mix média des annonceurs.
Et demain ?
La publicité cinéma entre dans une nouvelle ère. La convergence avec le digital ouvre la voie à des campagnes data-driven, capables d’intégrer géolocalisation, comportements spectateurs et bientôt scénarios programmatiques. À terme, l’achat d’espace en salle pourra se rapprocher des logiques automatisées déjà présentes dans l’affichage ou la vidéo en ligne, sans jamais renier son côté premium.
En parallèle, les attentes sociétales transforment les pratiques. La réduction de l’empreinte carbone, l’éco-conception des campagnes et la responsabilité sociale des marques sont désormais au cœur des réflexions. Le cinéma, média collectif et culturel, a un rôle à jouer dans cette transition responsable.
Un média toujours premium et différenciant
De la pellicule aux écrans digitaux, de l’âge d’or pré-Covid aux défis post-crise, le cinéma publicitaire a traversé deux décennies de bouleversements. Mais il a su conserver son essence : offrir aux marques un moment collectif, rare et immersif, dans lequel leur message bénéficie d’une attention maximale. Dans un monde saturé d’images et d’écrans personnels, la salle reste ce média à part : premium, mémorable, et toujours en mouvement.
Michel Bestougeff
*ou loi du souvenir publicitaire, qui cherche à évaluer le taux de mémorisation lors d’une campagne menée par vagues successives


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