La mission d’information relative à l’intelligence artificielle et la création, lancée au début de l’année par la Commission Culture du Sénat, a remis son rapport sur les bouleversements liés à l’arrivée de l’IA dans le domaine de la création. Elle a ainsi dressé une liste de neuf recommandations, soulignant la nécessité d’adapter les législations en vigueur pour protéger les auteurs et leurs œuvres.
Au terme de dizaines d’auditions et de débats avec des ayants droits, représentants de la tech, experts juridiques et économiques, la mission conduite par les sénateurs Laure Darcos, Agnès Evren et Pierre Ouzoulias conclut que « la France et l’Europe ont tout à gagner […] à profiter de leurs atouts, au premier rang desquels la qualité et la diversité de leurs contenus culturels, pour ouvrir une réelle troisième voie de l’IA, respectueuse des droits et inspiratrice pour la création. » Prenant acte de la stratégie de concepteurs d’IA, à savoir « agir vite de manière agressive, créer une situation de fait pour s’imposer, et renvoyer les conséquences à plus tard », elle insiste sur le besoin urgent de créer un cadre de régulation au niveau européen, qui soit malgré tout compatible et moteur de la construction d’une Europe numérique souveraine.
« La vraie disruption de l’IA générative tient non pas seulement à l’exploitation à grande échelle de données culturelles protégées, mais aussi au fait que de nombreux contenus sortants entrent directement en concurrence avec les créations humaines qui l’ont nourrie », relèvent les sénateurs.
Les grands principes pour une rémunération des contenus culturels utilisés par l’IA et une méthode de riposte graduée pour garantir le droit d’auteur :
- Réaffirmer et garantir le droit à rémunération des ayants droit culturels pour l’utilisation de leurs contenus par les fournisseurs d’IA.
- Garantir la transparence complète des données utilisées par les fournisseurs d’IA.
- Définir des modalités de rémunération qui soient fonction des flux de revenus générés par les fournisseurs et déployeurs d’IA.
- Inciter le secteur culturel et celui de la presse à constituer des bases de données larges et de qualité, facilement exploitables par les fournisseurs, assorties de conditions d’utilisation précisément définies.
- Parvenir à un règlement financier pour les usages passés des contenus culturels, afin de compenser les ayants droit culturels et sécuriser juridiquement les fournisseurs d’IA.
- Créer les conditions d’un réel avantage comparatif pour les fournisseurs d’IA vertueux qui sauront nouer les meilleurs accords avec les ayants droit culturels.
- Tirer profit des revenus générés par le marché de l’IA pour promouvoir la diversité de la création culturelle et le pluralisme de la presse.
- Travailler à la mise en place d’un système technique permettant d’identifier les contenus intégralement générés par l’IA.
- Garantir l’effectivité du droit d’auteur en suivant une réponse graduée :
– attente des conclusions, à l’automne prochain, de la concertation lancée par le ministère de la culture et le ministère de l’économie entre les fournisseurs d’IA et les ayants droit culturels ;
– en cas d’échec de cette concertation à trouver des solutions adaptées, dépôt d’une proposition de loi d’initiative sénatoriale visant à mettre en œuvre une présomption d’utilisation des contenus culturels par les fournisseurs d’IA ;
– en cas de nouvel échec, mise en place d’une taxation du chiffre d’affaires réalisé en France par les fournisseurs et déployeurs d’IA, afin de compenser le secteur culturel.
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Ce rapport intervient après l’appel de 73 organisations pour une régulation et juste rémunération de l’usage de leurs contenus par l’IA en octobre 2023, la demande des auteurs et producteurs en octobre 2024 ou encore de l’opt-out des producteurs français ou celui l’opt-out des artistes‐interprètes de l’Adami. De leur côté, les syndicats internationaux de l’animation avaient souligné l’urgence de créer un cadre de protection similaire des œuvres lors du dernier festival d’Annecy.


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