À l’occasion du grand rendez-vous de rentrée de l’Afcae, à Saint-Étienne du 9 au 11 septembre, Catherine Mallet, responsable du groupe Jeune public de l’Association, livre sa vision.
Comment s’est organisée cette 28e édition dédiée au jeune public ?
L’idée est toujours d’aller à la rencontre des salles adhérentes qui développent un important travail autour du jeune public, en poursuivant une tournée des territoires, pour témoigner à la fois de notre maillage et des partenariats qui peuvent se nouer localement. Les Méliès Saint-François et Jean Jaurès de Saint-Étienne nous offrent une jauge permettant d’accueillir les 300 participants, chiffre atteint cette année encore. Plus rare, nous proposons cette année une séance en plein air ouverte au public, ce qui rendra notre rendez-vous visible dans la ville.
Ces Rencontres, qui marquent le top départ d’une nouvelle saison, sont particulièrement dédiées aux médiateurs et animateurs jeune public des salles, pour lesquels il s’agit souvent du seul déplacement professionnel de l’année et une occasion unique d’échanger. Des Rencontres qui motivent et ressourcent, en cette rentrée particulière où l’EAC est au centre des discussions.
Cette édition coïncide aussi avec les 70 ans de l’Afcae…
Nous avons beaucoup de choses à transmettre sur nos valeurs, et il y aura une petite surprise au démarrage des Rencontres ! Pour marquer cet anniversaire, nous avons aussi voulu rendre hommage au studio Halas & Batchelor, à travers leur film emblématique La Ferme des animaux, qui fête aussi ses 70 ans cette année. Nous avons la chance que Vivien Halas [fille de John Halas et brillante graphiste qui dirige le studio, ndlr.] vienne présenter cette adaptation marquante de George Orwell, œuvre d’artistes engagés qui se lit de décennie en décennie. C’est aussi une façon de regarder l’Histoire et de montrer notre soutien à la création.
Ce lien à la création passe aussi par la rencontre avec les réalisateurs, spécialement autour du cinéma d’animation…
Nous sommes en effet ravis d’accueillir Rémi Chayé, notre invité d’honneur, qui prépare actuellement un nouveau film, Fleur. Il donnera notamment une leçon de cinéma, en partenariat avec l’Afca, l’Association française du cinéma d’animation. Les démonstrations des cinéastes, comme Florence Miailhe avec ses pinceaux et Pierre-Luc Granjon avec son écran d’épingles l’an dernier, nous permettent de regarder et partager les films différemment. Cette année, Antoine Lanciaux nous détaillera sa technique en papier découpé, utilisée dans Le Secret des mésanges, l’un des films au programme et qui avait été dévoilé lors des Rencontres 2024 alors qu’il était en cours de production. De son côté, Léo Marchand, que l’on avait déjà reçu pour Les voisins de mes voisins sont mes voisins, nous montrera les toutes premières images de son Roman de Renart. Ces work-in-progress sont très intéressants pour les exploitants : non seulement ils permettent d’apprendre beaucoup sur la fabrication d’un film, mais surtout de penser son accompagnement très en amont, parfois un an avant sa sortie.
Quels seront les formations et ateliers proposés cette année ?
Comme chaque année, nous prenons en charge une formation pour une vingtaine d’adhérents, qui permettra cette fois d’approfondir la façon de travailler en réseau sur un territoire et d’utiliser certains outils numériques. Comment fabriquer un carton DCP ou un contenu interactif ? L’initiation à Canva et Genially servira bien au-delà des films Jeune public et l’idée est d’encourager à mutualiser les ressources et les outils entre exploitants. Les intervenants de RMC (Réseau Médiation Cinéma) ont une méthode collaborative en Auvergne-Rhône-Alpes qui devrait nous inspirer.
La matinée d’ateliers est aussi un rendez-vous indispensable et très demandé. Certains très concrets, pour aborder des techniques comme le bruitage ou les “vues Lumière”, d’autres pour se questionner et échanger sur nos pratiques. Sachant que le groupe Jeune public de l’Afcae travaille sur une vaste tranche d’âge – 3 à 14 ans –, l’atelier sur les 10-14 ans est particulièrement important. Un âge où l’on devient plus autonome, dans ses choix mais aussi sa mobilité. Les salles art et essai proposent des films pour les 10-14 ans, mais comment éveiller leur curiosité et faire qu’ils reviennent plus tard ? Cet atelier fera le lien avec la table ronde prévue autour des 12-18 ans, animée par les membres du comité 15-25. Même pour les salles qui ont du personnel dédié au jeune public, il est rare qu’un médiateur se consacre à une tranche d’âge en particulier. Notre table ronde va permettre de mettre des exemples en avant – au Méliès de Saint-Étienne, au Balzac de Château-Renault, ou encore avec l’association des cinémas du Centre – mais également de réfléchir aux 12-18 dans le cadre du dispositif Ambassadeurs jeunes du cinéma, coordonné à l’échelle nationale par l’Afcae.
Vous prévoyez aussi un temps d’échange exploitants/distributeurs ?
Tout à fait, à la demande des distributeurs, il prendra la forme d’un atelier autour de cas précis de sorties de films. Cet échange permettra aux distributeurs présents de partager toutes les facettes de leur métier ainsi que des enjeux de la distribution tout en alliant un retour du terrain de la part des exploitants, sur la programmation, le rayonnement des films et leur accompagnement. Cet échange permettra de poser les bases d’une réflexion collective avec des rendez-vous à venir.
Le sujet de l’inclusion sera aussi central, avec un atelier audiodescription et une conférence sur ce qui se fait à Saint-Étienne…
L’an dernier à Sarlat, notre Agora consacrée à l’accessibilité a généré de nombreuses questions et contributions. Dans la continuité, nous avons organisé un webinaire, pour accompagner les salles à l’accueil de tous les publics, en rappelant le cadre de la loi Handicap et les outils existants. À Saint-Étienne, les services publics ont insufflé une dynamique importante sur l’accessibilité et l’inclusion, dont celle de l’offre culturelle. Les cinémas Méliès sont partie prenante de ce parcours “Ville en partage” et notre table ronde permettra d’explorer ce modèle inspirant. Comment se rapprocher des partenaires et associations locales pour améliorer l’inclusion ? Comment mutualiser les coûts, par exemple pour organiser un débat avec interprète LSF ?
Les films montrés en avant-première aux Rencontres sont-ils ensuite toujours soutenus par le groupe Jeune public ? Et plus largement, labellisés Jeune public ?
La programmation des Rencontres, établie par le groupe Jeune public et l’équipe salariée de l’Afcae, doit d’abord être diversifiée et équilibrée – entre différents genres et pour différents âges. Le groupe débriefe après les Rencontres pour décider de ses soutiens aux films qui ont été montrés. Pour rappel, notre groupe attribue, en plus de ses soutiens, le label Jeune public, celui qui compte dans la labellisation de la salle.
Ce soutien favorise-t-il la carrière des films, notamment dans le contexte de baisse de la fréquentation ?
Le soutien du groupe Jeune public est une réelle incitation dans la programmation des films chez nos 1 250 adhérents. Malheureusement, les entrées ne suivent pas toujours : certains films, qui ont enthousiasmé les professionnels et bénéficiant d’une belle programmation, n’ont pas rencontrés pleinement leur public. Plus généralement, la fréquentation est très fluctuante selon les films mais surtout, ces dernières années, elle se concentre sur les séances avec animations. Les séances sèches, sans ciné-goûters ou ateliers, sont très dures. Nous avons aussi des interrogations sur la séance du mercredi après-midi, qui n’est plus une valeur de référence.
On ne peut parler de Jeune public sans évoquer les dispositifs nationaux d’éducation à l’image, au sujet desquels on espère du nouveau au Congrès de la FNCF…
La grande majorité des salles adhérentes à l’Afcae sont concernées par les dispositifs Ma classe au cinéma. Elles font aussi de nombreuses séances scolaires liées à l’actualité, financées notamment par la part collective du pass Culture. Le gel de son enveloppe l’hiver dernier a montré les limites du dispositif : si le budget s’arrête, tout s’arrête. Avec la réouverture de l’enveloppe nous verrons comment cela se passe pour mener une année scolaire dans de bonnes conditions. Il faut avoir une vision globale, avec un cadre de formation, un volet sur les transports…, pour que les dispositifs nationaux puissent vivre avec équité sur tous les territoires.
Nous avons un gros travail à mener pour les faire connaître, chacun de nous auprès des familles. Faire savoir que si leur enfant voit un film de qualité à un tarif privilégié, c’est grâce aux institutions, à leur collectivité qui a participé au bus, au cinéma qui les accueille, à l’enseignant qui les emmène…
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Votre mission est donc aussi de travailler avec les adultes ?
Bien sûr, et pour les 70 ans de l’Afcae nous souhaitons rappeler que la question du Jeune public s’inscrit aussi dans l’évolution de nos rapports aux écrans, et plus largement dans des pratiques sociétales qui peuvent être anxiogènes. Nous croyons en la salle de cinéma et son dispositif attentionnel, intact et permanent : être assis côte à côte dans le noir, avec un générique qui rappelle qu’on est dans la fiction, qui dit le début et la fin d’un film, ce n’est pas comme être face à un flux ininterrompu de contenu. Avoir la possibilité de vivre sa parentalité, partager un moment privilégié avec un enfant autour d’un film, c’est formidable ! Des films sensibles et riches en émotions pour grandir et rêver ensemble. C’est dire aux prescripteurs des petits spectateurs que leur salle art et essai les accueille pour un moment de bien-être, de plaisir, de joie…. en toute simplicité mais avec beaucoup de convictions et de reconnaissance envers tous les publics. C’est aussi ce qui nous anime pendant les Rencontres avec les cinéastes et les participants !

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