François Aymé : « Il est urgent de repenser un nouveau modèle »

François Aymé ©Isabelle Nègre

Dans une tribune publiée aujourd’hui dans Le Monde, l’ancien président de l’Afcae estime que, face à la crise actuelle, « les réactions de la filière et des pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur ».

En rappelant les différentes crises qu’ont connues les salles de cinéma depuis les années 1960, François Aymé estime, aujourd’hui, que « la baisse conjoncturelle d’après-Covid s’impose comme un phénomène structurel ». Mais face à l’explosion des plateformes et au bouleversement des comportements, « les réactions de la filière et des pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur de la situation » et, pour le directeur du cinéma Jean Eustache à Pessac, « les films et les salles se doivent de proposer des “petits trucs en plus”, ces valeurs ajoutées qui déclencheront la sortie au cinéma ». Sur les films, « beaucoup de titres valent le détour, mais peu valent le déplacement », tandis que dans la salle, l’expérience doit être « plus vivante, partagée, animée, enrichissante », ce que font « de nombreuses salles indépendantes ».

Mais François Aymé rappelle que « le modèle dominant demeure le multiplexe, pensé comme un lieu de consumérisme permanent reposant largement sur le cinéma américain ». Il estime que ces « méga-cinémas aux tarifs élevés sont désormais surdimensionnés », et que, face à la crise de fréquentation qu’ils connaissent, la surenchère du nombre de séances qu’implique leur modèle –  « 8,4 millions par an en France, soit 21 spectateurs par projection et un taux d’occupation de l’ordre de 11 % »ne permet plus de défendre la dimension conviviale du cinéma.

Du côté des pouvoirs publics, François Aymé rappelle la forte impulsion des années 1980-90, avec la création de l’ADRC, du Médiateur du cinéma et des dispositifs d’éducation au cinéma par le CNC, ainsi que l’implication massive des collectivités. « La comparaison avec aujourd’hui est cruelle » pour l’ancien président de l’Afcae, qui déplore notamment l’arrêt du dispositif  “Jeunes cinéphiles”  lancé en 2022. « Coût : 2 millions d’euros. Un succès prometteur aussitôt stoppé par le CNC. Pourquoi ? Nous nous posons encore la question. » Le pass Culture, « avec 244 millions d’euros dépensés en 2024, est un fiasco. Quant à son volet collectif, « dont on peut se réjouir, il est soumis à des plafonnements drastiques sur la fin de l’année »

Une erreur politique

Pour François Aymé, le comité de concertation distributeurs/exploitants mis en place par le CNC vise « notamment à “réguler” l’accès aux films des petites salles en vue de préserver une exclusivité pour les circuits nationaux ». Il cite l’étude du Syndicat des cinémas de proximité commandée à Hexacom et considère qu’ « à sept mois des élections municipales, envisager d’empêcher toute amélioration de l’accès aux films des petites villes, et même de le retarder, avec le sentiment de déclassement symbolique induit, est une erreur politique qui pourrait être désastreuse pour l’aménagement culturel du territoire. Le fait que le CNC apporte quelque crédit à cette thèse des circuits nous interpelle. Espérons qu’il continue à assurer son rôle de régulateur en privilégiant l’intérêt général face aux intérêts particuliers dominants ».
Car si des décennies de soutien public ont fait du cinéma français l’un des plus dynamiques au monde, « nous changeons d’époque », conclut François Aymé, et  « il est urgent de repenser un nouveau modèle. En regardant avec lucidité les mutations économiques et culturelles. Et en proposant des petits trucs en plus : de l’audace pour les films et une âme pour nos salles ».

François Aymé ©Isabelle Nègre

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