Ce qu’il faut retenir de l’audition de Gaëtan Bruel (CNC) à l’Assemblée nationale

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Face à la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée a insisté sur le rôle de l’institution et les enjeux d’un secteur confronté à des défis majeurs.

Protéger un modèle vertueux

La réussite du modèle français résulte d’un modèle « ambitieux et vertueux qui ne coûte pas un euro au contribuable », a introduit Gaëtan Bruel, rappelant que le budget du CNC ne relève pas de l’État, mais provient de recettes prélevées sur le secteur lui-même. « En plus de payer des impôts comme tout le monde, les entreprises [de la filière] s’acquittent d’une surfiscalité affectée permettant de répondre aux objectifs d’intérêt général dont le CNC est le garant. » Interrogé par les députés sur « l’abondance de ressources du CNC », le président du Centre a balayé « un fantasme» : « L’idée selon laquelle nos recettes fiscales auraient augmenté de manière disproportionnée est largement erronée. Sur dix ans, le produit de nos taxes a progressé moins vite que l’inflation et que les coûts de la filière. La part des soutiens du CNC dans le secteur diminue, contrairement à la trajectoire des dépenses publiques, alors même que les défis s’accroissent. »

Enfin, Gaëtan Bruel a défendu le prélèvement de 50 M€ dans le budget du CNC prévu dans le projet de loi de finance 2026 comme « l’expression de la solidarité de notre secteur à l’endroit de l’État au regard de la gravité des finances publiques », alors que 500 M€ ont déjà été prélevés en 2025. « Dans le même temps, des exploitants menacent de mettre la clé sous la porte et le plan d’action que nous proposons ne prévoit même pas 200 000 € de plus pour eux. » Insistant sur l’efficacité et le caractère vertueux, le président du Centre a jugé que « notre modèle est notre meilleure arme face aux défis inédits qui guettent notre pays dans le domaine du cinéma et de l’image animée ».

S’armer face aux défis

Premier défi listé par Gaëtan Bruel : le rapport problématique aux écrans. « C’est devenu un problème démocratique, d’appauvrissement culturel, de santé publique et de productivité économique », a-t-il déploré, renvoyant, parmi les solutions, aux préconisations sur l’éducation aux images du rapport d’Édouard Geffray, dont la nomination comme ministre de l’Éducation nationale laisse espérer une application rapide des mesures.  

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Deuxième défi : les conséquences de ce rapport aux écrans, avec une évolution des pratiques entraînant notamment la baisse de fréquentation en salles ou des audiences linéaires. Pour le président du CNC, « la concurrence ne s’exerce plus entre grand et petit écran : l’ensemble des modèles de création premium sont aujourd’hui challengés voire menacés par des modèles low cost venus de l’étranger et gonflés à l’IA ».

Troisième défi : le risque de voir des pans entiers du système sinistrés, à l’instar de la production. En ce sens, le ciblage des baisses de financement de France Télévisions « préoccupe » Gaëtan Bruel : « L’audiovisuel public est un acteur essentiel et irremplaçable de la création. » Le président du Centre a aussi pointé la « situation critique de plusieurs salles et de certains distributeurs », appelant notamment à une meilleure intégration du soutien à la diffusion. 

Quatrième défi : tenir le rang de la France dans une compétition mondiale exacerbée. « Face à ceux qui critiquent notre modèle, nous devons défendre notre souveraineté culturelle », tout en étant offensif pour rendre le territoire plus attractif, notamment dans l’accueil de tournages. « Notre crédit d’impôt international est en train de se faire distancer : 16 pays européens ont un modèle au moins aussi attractif que le nôtre. »

Les enjeux de l’exploitation

S’agissant des salles, le président du CNC a évoqué deux sujets. D’une part, « l’échéance vitale » que représentent les élections municipales de 2026 pour le parc. « 480 cinémas sont aujourd’hui en régie municipale, dans des territoires où l’accès à la Culture ne va plus de soi. Nombre d’exploitants m’ont partagé leur difficulté d’être mieux reconnus dans le rôle d’animation culturelle qu’ils jouent dans leurs territoires. Face aux difficultés financières qu’ils subissent, il y a un enjeu à rebâtir un consensus local autour de leur rôle si nous voulons préserver notre maillage extraordinaire. »

D’autre part, interpellé sur le rapprochement entre Canal+ et UGC, Gaëtan Bruel s’est réjoui « d’une excellente nouvelle à ce stade ». Pour le président du Centre, c’est « la confirmation d’un acte de foi dans la salle de cinéma, comme l’est l’engagement de Rodolphe Saadé au sein de Pathé, mais aussi du lien durable et profond entre Canal+ et le cinéma français ».

Trop de films subventionnés ?

Le président du CNC n’a pas échappé à l’un des sujets abordés régulièrement par la commission des affaires culturelles, notamment dans un contexte budgétaire tendu. « On entend parfois que l’argent des Français financerait trop de films qui n’existeraient pas sans ces apports. C’est doublement faux. Il ne s’agit pas de l’argent du contribuable et la part du financement public moyen par film s’établit à 20 % en France – dont 4 % de sélectif –, contre 48 % en Europe », a rappelé Gaëtan Bruel. « Nous sommes dans une économie de prototype : on ne sait pas par avance ce qui va marcher. De plus, la qualité et l’intérêt d’un film ne s’évaluent pas seulement au nombre d’entrées qu’il fait, à l’instar des documentaires. » 

Si depuis la pandémie, le succès d’un film est moins progressif, avec un bouche-à-oreille plus difficile, le président du Centre a martelé « le besoin d’avoir une diversité de films, mais aussi le besoin qu’elle rencontre une diversité de spectateurs ». C’est dans cette optique que plusieurs leviers ont été ou doivent être activés : l’éducation aux images, le renforcement du soutien aux salles via les médiateurs, ou encore le comité de concertation pour favoriser le dialogue entre exploitants et distributeurs.

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