Dulac Cinémas – Réinventer l’expérience salle 

Quand L'Arlequin se transforme en night club pour une soirée Crescendo © Dulac Cinémas

Les cinémas de la Maison Dulac accueilleront en novembre leur nouveau directeur général, venu de chez Pathé, avec la volonté de poursuivre la transformation de leurs salles en kaléidoscopes

Transformer ses cinq cinémas* en “écosystème culturel”, c’est le credo de la Maison Dulac depuis quatre ans, avec ses saisons Kaléidoscope et leurs multiples événements, en lien – ou pas – avec sa programmation art et essai. Une volonté de se réinventer pour le réseau parisien, dont cette fin d’année sera marquée par l’arrivée d’Arnaud Surel, qui a passé 15 ans chez Pathé Cinémas, au poste de directeur général des cinémas Dulac. Cette nomination intervient après une crise sociale qui avait entraîné, l’été dernier, le départ mouvementé de Pierre-Edouard Vasseur – directeur artistique puis directeur général du réseau –, mais aussi l’arrêt du Champs-Élysées Film Festival, fondé en 2012 par Sophie Dulac.

Aujourd’hui, son fils et vice-président de la Maison Dulac ne se défausse pas de cette crise, qui relève de la gestion interne – et humaine – d’une entreprise privée, mais en resitue le contexte. « Nous essayons depuis plusieurs années de redéfinir l’exploitation parisienne, ce qui implique des changements dans notre façon de travailler, explique Mathias Dulac. La culture n’est pas gratuite, notre business évolue », et les événements mis en place « ont secoué un ancien monde, dont certains de nos collaborateurs, qui n’étaient pas toujours prêts à accepter le changement ».

Mais « l’une des meilleures réponses à cette histoire » selon Mathias Dulac, c’est l’arrivée d’Arnaud Surel, « le “Monsieur art et essai” de Pathé. Il croit en notre modèle et nous nous connaissons bien, notamment pour avoir lancé ensemble le Champs-Elysées Film Festival, quand il dirigeait le Gaumont Marignan. Son expérience va nous aider à structurer la société pour mieux nous adapter au marché. ».

Des cinémas de quartier multi-culturels

Si la ligne éditoriale des salles Dulac, programmées depuis six ans par Eric Jolivalt, restera « sur un cinéma engagé, puissant et indépendant », leur adaptation passe par une innovation permanente concernant les événements. C’est d’autant plus essentiel à Paris, « où l’offre est pléthorique et le marché ultra concurrentiel, où les gens vivent à 100 à l’heure et dont il faut capter l’attention ». Et quand on n’a pas de salles premium, c’est l’événementiel qui fait la plus-value du cinéma, y compris sur le hors-cinéma. Pour Mathias Dulac, « un film se voit dans une salle de cinéma, mais on peut voir autre chose que des films dans une salle de cinéma ». Et dans des cinémas de quartier « où la majorité des spectateurs viennent d’abord parce nous sommes à côté de chez eux », le hors-film permet d’attirer un public très différent. Au-delà des 26 festivals qu’elles accueillent et de leur trentaine de ciné-clubs – Pocket sur les adaptations de polar, Psynéma autour de la psychiatrie, Nuit américaine sur l’âge d’or d’Hollywood ou encore Animotion avec l’Afca pour la nouvelle saison –, les salles Dulac proposent aussi de l’opéra live, du stand-up ou des conférences, – se transformant régulièrement en salles de concert ou en comedy club. « L’idée est de désacraliser la salle art et essai. Quand on retransmet l’Eurovision ou que l’on propose le podcast TrashTalk sur la NBA, les spectateurs ne sont pas ceux de notre programmation art et essai. Et s’ils sont peu nombreux à revenir pour voir un film, notre objectif est d’abord de semer une graine chez la jeune génération. » 

Un travail de longue haleine, complété par le lancement, en janvier 2025, d’un tarif à 5 euros pour les moins de 18 ans – ceux qui n’ont pas accès au pass Culture au quotidien. Là encore, « il s’agit surtout de faire connaître aux plus jeunes nos salles historiques, comme L’Escurial, qui a 120 ans, ou L’Arlequin, qui appartenait à Jacques Tati »

Une 4e salle à l’Arlequin

Et alors que tant de salles parisiennes mythiques ont fermé, le cinéma de la rue de Rennes va s’agrandir. Les travaux sont en cours pour une 4e salle de 43 places, qui devrait ouvrir l’année prochaine. Elle se situera à côté du hall, dans un bâtiment mitoyen qui appartient à la Régie immobilière de la Ville de Paris et qui était abandonné. « L’Arlequin est l’un des fers de lance du Qquartier latin, où, avec son espace cocktail et sa grande salle de 400 places, nous avons beaucoup de demandes de privatisations ; un axe important pour notre business model, mais qui ne doit pas trop empiéter sur les séances des sorties nationales, d’où l’importance de cette salle supplémentaire. » Ces privatisations sont aussi l’une des particularités du parc parisien, à laquelle répond par ailleurs le travail « incroyable » des frères Merle, « derniers des Mohicans » sur les Champs Élysées selon Mathias Dulac. Il souligne, à ce titre, qu’il « est essentiel de se parler entre indépendants », notamment à travers le réseau des CIP. « Le lien permet des événements communs avec davantage de force de frappe, même si cela reste compliqué d’être d’accord avec 24 personnes. » 

En revanche, pour le co-président de la Maison Dulac en général, réunir cinq cinémas dans une même société privée, elle-même couplée à une société de distribution, facilite la fluidité comme la rentabilité. Des passerelles qui permettent de penser ensemble des événements, comme avec Il était une fois Michel Legrand et la série de concerts organisés à L’Arlequin, mais aussi la ligne éditoriale de Dulac Distribution. « Nous allons sortir le 26 novembre Queerpanorama, un film sur la jeunesse hongkongaise à la limite du “grinder”, qui tranche avec notre ligne habituelle. En étant sur les deux métiers, j’ai envie que l’énergie du Kaléidoscope infuse aussi notre travail de distribution. »

Article paru dans le Boxoffice Pro du 5 novembre 2025

Quand L'Arlequin se transforme en night club pour une soirée Crescendo © Dulac Cinémas

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