Congrès FNCF 2025 : Rencontre avec Laurent Desmoulins, président de la branche grande exploitation

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À la veille des réunions des représentants des trois branches, mardi 23 septembre à Deauville, le directeur général de CGR Cinémas, désormais à la tête de la branche des cinémas réalisant plus de 500 000 entrées annuelles, revient sur fréquentation en dents de scie, la résilience des salles premium et l’importance de maintenir le dialogue intra secteur.

« Les tensions entre logiques commerciales et aspirations culturelles existeront toujours. L’important, c’est de maintenir un cadre de dialogue »

Au sortir d’une saison calme en matière de fréquentation, quel est l’état de santé des cinémas de votre branche ? 

Nous sortons d’un été qui est loin d’avoir tenu toutes ses promesses. Hormis 3 films qui se sont démarqués : Lilo et Stitch (plus de 5 millions d’entrées), F1 (près de 3,3 millions), et Jurassic World : Renaissance (3 millions), les films censés jouer les locomotives estivales n’ont pas vraiment décollé, et quand vous avez un été atone, les grandes salles sont en première ligne. Aussi, l’absence de succès français a eu un lourd impact sur les performances de cet été. Nous faisons ainsi face à une équation délicate : des charges fixes très lourdes et une fréquentation en dents de scie, voire éteinte au mois d’août, entraînant un lourd impact sur la trésorerie. Pour autant, la situation n’est pas désespérée : on sent que le public est toujours prêt à se déplacer quand l’offre est au rendez-vous. Les préventes des films à venir comme Demon Slayer ou Conjuring ont été très encourageantes. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, on vit davantage au rythme des “pics” de programmation qu’avec un flux continu. 

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Ce contexte a-t-il au moins permis de confirmer le pari des salles premium ? 

Les salles premium, comme les salles classiques, restent tributaires de la programmation. Mais lorsqu’un blockbuster sort en salles, ce format continue de tirer son épingle du jeu. En effet, pour cette typologie de film, le spectateur est prêt à payer plus cher pour plus de confort, de technologie, et d’immersion. L’expérience en salle est notre meilleur atout pour résister à toutes les formes de concurrence, et l’investissement dans ces formats en est la preuve concrète. Les spectateurs peuvent plébisciter ce différentiel de qualité. On n’a pas trouvé la martingale pour remplir en permanence car, bien évidemment, sans film fort, pas d’entrées. Mais le premium s’impose comme un axe de développement solide à côté des modèles traditionnels, qui manifestent aussi des qualités de résilience dans le contexte actuel. 

L’année écoulée a vu la concrétisation de la réforme du fonds de soutien automatique que votre branche appelait de ses vœux. Êtes-vous satisfaits des nouveaux taux de retour ou reste-t-il d’autres rééquilibrages à mettre en œuvre ? 

C’est une avancée indéniable de rééquilibrage. Le nouveau barème corrige une situation qui désavantageait de manière significative la grande exploitation depuis une dizaine d’années. Au-delà de l’impact économique positif, cette réforme a une portée symbolique : elle acte une véritable reconnaissance de notre branche qui participe lourdement à la génération de TSA.

Comment a été accueillie la première recommandation du comité de concertation exploitants-distributeurs, énoncée en juillet dernier sur l’organisation des avant-premières ? Dans l’ensemble, comment jugez-vous la capacité de ce comité à résoudre les problématiques de programmation ? 

La recommandation sur les avant-premières va dans le bon sens : elle apporte plus de lisibilité, ce qui était indispensable. Nous soutenons pleinement cette première recommandation du CNC qui consiste notamment à limiter les avant-premières aux séances les plus porteuses du week-end ainsi qu’à l’arrêt des sorties anticipées le lundi et le mardi. 

Le comité est un outil précieux, mais il ne peut pas tout résoudre et certains sujets vont prendre du temps. Les tensions entre logiques commerciales et aspirations culturelles existeront toujours. L’important, c’est de maintenir un cadre de dialogue, car sans concertation, chacun retombe dans ses réflexes défensifs. On ne réglera pas tous les cas particuliers, mais on peut au moins éviter les crispations stériles. Ce comité a tout son sens. Sa légitimité, et surtout, la qualité de ses participants sont des gages positifs pour l’avenir. 

Où en est votre dialogue avec la petite et moyenne exploitation concernant les dissensions qui ont pu apparaître dans les zones à concurrence ? 

« Dissensions » est un terme trop fort et radical à mon sens ; il ne s’agit pas d’opposer les branches entre elles. Ce n’est pas le sujet. Il existe en effet des problématiques auxquelles nous sommes confrontées dans certaines localités. Il s’agit de cas isolés que nous souhaitons signaler dans des secteurs où la cohabitation est compliquée, notamment lorsqu’il s’agit de salles qui pratiquent des tarifs extrêmement bas créant des conflits concurrentiels. Mais je crois que la meilleure réponse, c’est la transparence et la loyauté. L’enjeu est de préserver un équilibre global, surtout dans un contexte de baisse de fréquentation de manière à ne pas affaiblir la filière. Aussi, il faut être clair : les grandes salles ne sont pas des adversaires des petites, elles sont complémentaires. Quand une zone se développe, tout le monde a à y gagner ; mais cela demande une coordination intelligente et cela ne doit pas être fait à la hussarde. 

Vos membres ont-ils pu finaliser leurs engagements de programmations en cette fin d’été ? 

Oui. La date butoir fixée à fin août par le CNC a globalement été respectée. Les discussions se poursuivent pour ajuster certains points en fonction des réalités locales. C’est parfois plus technique et sensible qu’il n’y paraît, mais la branche reste attachée au respect de ses obligations. Nous tenons à inscrire noir sur blanc la diversité de nos programmations et à montrer que la grande exploitation n’est pas uniquement centrée sur les films porteurs. L’équilibre n’est pas toujours simple à trouver à certaines périodes de l’année, mais nous nous efforçons de faire au mieux.

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L’éducation à l’image sera au centre des débats cette année au Congrès. Si l’avenir des dispositifs nationaux est encore flou, que pouvez-vous, en tant qu’exploitants, entreprendre malgré tout en lien avec les enseignants ? 

Même si les dispositifs nationaux ne sont pas encore clairement fixés, il y a beaucoup à faire localement. Les exploitants n’attendent pas les dispositifs pour organiser des séances pédagogiques, des ateliers, des rencontres avec des réalisateurs. On a besoin d’impliquer les enseignants, de leur donner des outils, et surtout de leur montrer que le cinéma est une ressource vivante, pas un objet figé. N’oublions pas que l’éducation à l’image, c’est avant tout une manière de créer le spectateur de demain. Si l’on doit prendre des exemples concrets, de nombreux cinémas ont tissé des liens forts et de confiance avec les enseignants à travers les divers dispositifs d’éducation à l’image, mais aussi pour des demandes spécifiques. Nous nous organisons pour leur proposer les horaires et jours souhaités. Nous adaptons notre programmation sur plusieurs trimestres afin de faciliter leurs demandes en fonction des autorisations de sortie et de leur budget annuel. Nous adaptons aussi les tarifs pour ces séances. Nous assurons une présence pour accueillir au mieux les groupes. Nous réglons l’éclairage, le son pour les tout petits.
À titre d’exemple, à Périgueux, une association gère le planning scolaire pour le cinéma, facilitant la relation avec les enseignants. À Castres, un concours de création autour des films art et essai jeune public a été mis en place. Ces initiatives, petites ou grandes, témoignent de la vitalité des salles. 

Dans le contexte politique actuel incertain, quelles sont vos principales préoccupations pour le secteur, ainsi que vos principales attentes vis-à-vis des pouvoirs publics ? 

Notre première préoccupation, comme pour tout le monde, c’est la stabilité et le retour à une activité régulière et plus normative. Les cinémas ont besoin de visibilité, que ce soit notamment en matière de fiscalité, d’énergie ou de soutiens publics. L’instabilité politique ajoute un bruit de fond qui freine l’investissement et entretient un climat anxiogène. Nous n’attendons pas des promesses spectaculaires, mais une politique culturelle cohérente et lisible. Le cinéma est une filière stratégique pour la France : il attire des talents, fait rayonner notre culture et irrigue des territoires entiers. Il faut lui donner les moyens de durer, plutôt que de gérer en permanence l’urgence.

Comment percevez-vous l’engagement, récemment annoncé, de Canal+ auprès d’UGC ?

C’est une excellente nouvelle, non seulement pour UGC qui va pouvoir reprendre une stratégie d’investissements dans ses salles, mais aussi pour l’ensemble du secteur.

Qu’un acteur majeur de la filière comme canal Plus choisisse d’investir notamment dans l’exploitation envoie un signal fort de confiance dans l’avenir et la solidité de notre activité.

Propos recueillis par Ayşegül Algan

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