Après sept mois de fermeture pour travaux, le trois-salles des Champs Élysées, exploité par Multiciné, rouvre ses portes en faisant un pas assumé vers le luxe.
Pour Louis et Samuel Merle, gérants du réseau Multiciné, la rénovation de l’Elysées Lincoln était incontournable. « On parle d’un cinéma qui, dans les années 70, réalisait 300 000 entrées, mais dont la fréquentation a baissé de 10 % par an, jusqu’à atteindre 38 000 entrées en 2024 », rappelle Louis Merle. Le site n’échappe en effet pas à la fuite des spectateurs de l’avenue mythique parisienne qui, parallèlement à la montée excessive des loyers, a conduit à la fermeture de l’UGC Normandie et des Gaumont Marignan et Ambassade. « Nous avons envisagé de fermer l’établissement, mais la culture ne peut disparaître des Champs-Élysées. Nous avons donc choisi de résister et d’imaginer un projet viable. »

Au total, 2 millions d’euros ont été investis dans cette rénovation intégrale, la première depuis 25 ans. Aidés de l’architecte Alain Balzac de l’atelier aBfM, les deux frères Merle ont, pendant un an et demi, conçu le nouveau design de l’établissement en s’inspirant de l’hôtellerie, de l’événementiel et du luxe. « Le but était de créer un lieu unique, aux influences multiples, mais dont l’ADN reste le cinéma art et essai. » Le hall est dépourvu de caisse – « à l’exception des périodes de forte affluence » –, le spectateur réservant sa place auprès d’un employé « en uniforme ». Une démarche empruntée à certaines boutiques comme les Apple Store où « l’accueil est entièrement personnalisé », et qui prend tout son sens aux Champs-Élysées : « Ici, les spectateurs aiment bien venir un peu en avance, prendre leur billet puis flâner dans le quartier. »
Du côté des salles, les jauges ont été largement réduites pour coller à l’ambition des Merle. La première (l’Auditorium) garde ses 145 places, mais la deuxième (le Studio) passe de 72 à 42 places, et la troisième (le Club) de 155 à 36 places. Cette baisse drastique est due à la diversification de cette salle désormais privatisable, pour des réunions ou encore des réceptions. Une fois ses sièges retirés, sa capacité peut être portée à 200 personnes debout ; de quoi organiser un cocktail et accueillir les spectateurs des deux autres salles lors des avant-premières. « Nous avons beaucoup travaillé avec KLS qui a conçu tous les fauteuils sur mesure. Pour la salle Club, le défi était de pouvoir les déplacer facilement afin de transformer entièrement l’espace en une heure. » Et pour convenir à la double activité de cette salle, son sol – contrairement à la moquette des deux autres – est en PVC acoustique.

La réouverture du Lincoln ce 1er octobre sera marquée par un festival du film libanais (9 au 16 octobre). Les frères entendent conserver la patte art et essai de leur circuit à travers une programmation articulée sur deux semaines, entre une sortie nationale et de plusieurs films de répertoire. Quelques blockbusters d’auteur – tels un Nolan, un Spielberg ou un Dune – pourront s’ajouter à la programmation, les Merle s’étant aperçus que leur diffusion aux 7 Parnassiens, lors de sa réouverture en 2021, y avait attiré « un public qui, naturellement, ne serait sans doute pas venu, nous permettant au final de gagner de nombreux spectateurs ». Les Merle prévoient également d’organiser des rencontres avec des cinéastes, y compris en journée, « afin de toucher un public qui ne fréquente pas les salles en soirée ».
À travers ce nouveau « rayonnement », les exploitants espèrent élargir leur public au-delà des 8ᵉ, 16ᵉ et 17ᵉ arrondissements, qui constituaient jusqu’alors leurs principales zones d’attraction. Les exploitants visent 50 000 entrées en vitesse de croisière, avec un plein tarif augmenté à « 14 ou 15 €, mais des cartes illimitées qui feront baisser le prix moyen », tout en comptant sur les privatisations du Club pour pérenniser leur cinéma. Une stratégie qui pourrait, à terme, être appliquée dans leurs deux autres établissements, les 5 Caumartin et les 7 Parnassiens, ayant terminé 2024 respectivement à 220 000 et 313 000 entrées.



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