Face aux offensives successives de Netflix puis de Paramount Skydance sur Warner Bros. Discovery (WBD), le président de la Fédération nationale des cinémas français revient sur un dossier qui dépasse largement les enjeux boursiers.
Dans cette « affaire à rebondissements », Richard Patry a bien conscience du nombre considérable de paramètres « sur lesquels nous n’avons aucune prise ». Mais quel que soit l’actionnaire majoritaire de WBD demain, « notre préoccupation est la même : que les films du line-up, comme du catalogue, de ce studio majeur de l’histoire du cinéma – et certainement l’un des plus compatibles avec le marché européen avec ses propositions de blockbusters comme ses films d’auteur – restent accessibles en salles… et au-delà, pour tous les publics ».
Parmi les scénarios de reprise, l’offre de Netflix suscite naturellement une inquiétude particulière. « Malgré les récentes déclarations du co-PDG Ted Sarandos, ses prises de position contre la salle, il y a encore quelques mois, et l’histoire la plateforme ne sont pas de nature à nous rassurer », rappelle Richard Patry, citant le récent cas de Frankenstein de Guillermo del Toro, dont le public français est privé… hormis les abonnés Netflix.
Cette logique d’exclusivité nourrit une inquiétude plus large chez le président de la FNCF. De fait, si Netflix devrait se réserver l’exclusivité du catalogue Warner – de Casablanca à Harry Potter, en passant par Chantons sous la pluie pour ne citer qu’eux –, « c’est tout le travail sur le cinéma de patrimoine et les actions d’éducation à l’image des salles, sans compter la liberté d’accès aux œuvres pour le public qui serait en péril ».
Un point d’autant plus sensible dans le pays champion de la chronologie des médias, que la plateforme a attaqué au Conseil d’État français. « Est-ce que les nouveaux dirigeants de Warner accepteront notre chronologie ou décideront-ils de ne pas sortir leurs films dans nos salles pour y échapper ? », interroge Richard Patry, en rappelant que sur l’année 2025, pas moins de cinq titres Warner figurent dans le top 20 tricolore [F1, Minecraft, le film, Conjuring : L’heure du jugement, Superman et Une bataille après l’autre, pour un total à date de 11,2 millions d’entrées et une part de marché de 24,5 %, ndlr.]. « Certes, notre chronologie est toujours en mouvement, mais l’intégration de WBD dans Netflix aurait des conséquences sur la place de tous les diffuseurs, dont ceux de VOD et SVOD. »
Sur le papier, l’option Paramount Skydance, « un studio qui fait partie de l’histoire du cinéma, connaît les salles et y diffuse ses films », pourrait sembler plus proche du modèle traditionnel. Mais les exploitants n’ont pas oublié la fusion Disney-Fox, où « un plus un n’a pas fait deux » en matière d’offre, et « la rationalisation et les mutualisations d’un rapprochement WBD-Paramount risquent fort d’impacter le nombre de projets ».
Pour l’heure, la Fédération avance donc avec prudence. « Il est trop tôt pour réagir, et il ne faut pas faire de procès d’intention. Les actionnaires de WBD vendront à qui ils voudront, et le management fera ses choix. » Reste le garde-fou des autorités de la concurrence, y compris européennes, qui examineront la situation sous l’angle de l’éventuel monopole créé par la fusion des activités de plateforme, « et non sur la problématique de la distribution de films en salles ».
En attendant, l’intrigue se déroule ailleurs… « Nous sommes peut-être peu de choses à l’échelle mondiale, mais la France reste une cinématographie et un marché majeurs. Nous allons donc faire en sorte que notre voix soit entendue », assure le président de la FNCF, en soulignant la dimension collective du combat. « Il est essentiel de rester solidaires de nos confrères américains, de rappeler que le cinéma, c’est la SALLE de cinéma, et que cette bataille que nous menons pour défendre la liberté d’accès aux films, c’est avant tout une bataille de société. »

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